Altier et luxueux Bureau-Cabinet de forme architecturée à deux corps superposés d’inspiration néo-Renaissance en bois noirci ébonisé et marqueterie dite Boulle en laiton gravé à foisonnants motifs d’entrelacs, de rinceaux feuillagés fleuris animés de volatiles et habités d’insolites figures animalières (musaraignes, reptiles gourmands). Reposant sur un piétement fuselé rudenté à entretoise sensiblement serpentine, ennobli en partie haute de fines colonnettes corinthiennes détachées, il est sommé de deux vases d’amortissement empanachés et festonnés de fleurs printanières. Enchâssé dans le fronton brisé formant couronnement, centré sur un petit édicule, un buste en ronde-bosse de Flore vivifie la verticalité et l’élégance mesurée de cette singulière pièce mobilière.
Modelée avec délicatesse, l’effigie rayonnante de la déeesse préludant au Printemps semble régner, souriante, sur ce meuble à deux corps particulièrement élaboré.Il est structurellement composé:
–d’un Bureau formant secrétaire à abattant doublement incurvé ouvrant en ceinture par un ample tiroir.Déclenché par un mécanisme à lames, le volet principal démasque un intérieur ébonisé accueillant un large plateau-écritoire tendu de maroquin fauve doré aux petits fers ainsi qu’un casier serre-papiers occupant toute la largeur du bureau; ce dernier surmonté sur un rang de trois petits tiroirs sertis de listels de laiton doré.
-d’une partie haute formant Vitrine ou Bibliothèque. Placée en léger retrait, elle ouvre à deux vantaux vitrés sur intérieur foncé d’un velours ras d’origine de couleur rouge ocré et muni de deux tablettes ajustables au chant paré sur fond ébonisé de baguettes de laiton incrusté.
Les deux corps s’articulent autour d’un gradin scandé aux angles de ressauts simulant des stylobates. Reposant sur une tablette débordante, ce dernier abrite deux tiroirs à prises en forme de boutons.
Valorisant sciemment sa structure architecturale, une parure de bronzes ciselés et dorés -perlé, frise d’oves fleuronnées, joncs feuillagés rubannés, asperges à culots campanulés, lingotières ou bagues à motifs d’acanthe alternés de feuilles d’eau, rosaces d’acanthe..- nimbe les rampants du fronton au dessin souple, souligne la corniche, borde entablement et soubassement, bijoute colonnettes et piétement, sertit, épouse ou encore jalonne en partie basse le profil de ce Bureau-Cabinet qui réinterprète avec virtuosité et subtilité formes et répertoire ornemental hérités de la Renaissance française Béllifontaine.
Et, plus particulièrement ceux issus des recueils (Second Livre d’architecture, 1561; Damasquines, 1545. Petites Grotesques, 1562, Meubles, 1565 ) de Jacques Androuet du Cerceau (1515-1585) compulsés entre 1830-1860 avec ardeur par les chantres du Style néo-Renaissance tels que les sculpteurs, ornemanistes et ébénistes d’art parisiens Claude-Aimé Chenavard, Jean-Louis Benjamin Gros, Monbro Aîné, Victor Michel Cruchet (1815-1889) ..ou encore Michel Liènard (1810-1870) et les frères Grohé, co-auteurs pour l’Exposition des Produits de l’Industrie de 1844 d’un “Meuble–Musée“( Oshorne House, Royal Collection) référentiel en ce domaine.
A la vue de cette pièce mobilière assez rare sur le marché de l’art et stylistiquement datable des années 1860, on est tenté d’emprunter à l’un des prosateurs de la seconde moitié du XIXe siècle relatant les créations d’ébénisterie de haut-luxe parisienne nos éléments conclusifs:
“Au premier coup d’oeil, c’est charmant, c’est éblouissant, cela donne le vertige, ou pour mieux dire, l’ivresse du luxe (…). Toute l’époque est là, palpable et saisissable; toute l’époque avec sa frénésie, son goût immodéré des richesses à grands ramages et des représentations ” (André Goyen, L’Exposition Universelle“, in: Le Panthéon de l’Industrie et des Arts, janvier1867, p.380).
Aussi, autour du cartouche ovalisé nimbant son abattant se déploient cornes d’abondance, s’étirent tigelles de rinceaux aux opulentes floraisons ,s’épanchent fougères et lierres vrillés, s’invitent à la fête musaraignes mutines et serpents gourmands. En ceinture, des oiseaux perchés s’ébattent aguerris.
Vraissemblablement réalisé pour une circonstance particulière-soit pour une exhibition d’ordre internationale, soit pour être offerte à une élégante de haut rang-, ce Bureau-Cabinet d’une grande qualité d’exécution témoigne de l’indéniable savoir-faire de l’ébénisterie d’art parisienne du Second Empire. Originalité de conception, noblesse de style et de proportions, décor raffiné et savant, tels sont les maîtres-mots de cette pièce mobilière unissant avec brio pratiques d’agréments et apparat.
Elle est en outre à rapprocher des créations “d’ébénisterie artistique” dues alors aux notoires Maisons parisiennes de Louis Gradé et Pelcot (1852-1867) ou du brillantissime et “versatile” Alphonse Giroux (1837-1867).
Travail d’ébénisterie de la seconde moitié du XIXe siècle de style Néo-Renaissance. Epoque Napolèo III, circa 1860. Non estampillé. Buste en bronze de Flore signé au dos: “S. Cochi.et”.
A rappocher d’un Cabinet formant écritoire en marqueterie Boulle , France, années 1870 reproduit dans C.Payne, European Furniture of the XIX th century, 1981, p.57 ainsi que d’un autre signé de la Maison Giroux reproduit in: C.Payne, Paris, La quintessence du meuble au XIXe siècle, 2018, p.369.